Chevaliers de la table ronde ?

Armes et devises des Parcevaux - Chapelle de Tronjoly en Cléder

Miorcec de Kerdanet, historien finistérien du début du XIXe siècle, écrit, dans sa Notice sur N.D.du Folgoat [1] que « le vénérable abbé François de Parcevaux, archidiacre, grand vicaire de Léon et chanoine du Folgoat … appartenait à l’antique famille de Parcevaux, Percevaulx ou Perceval, célèbre jusque dans les vieux romans de la chevalerie. »

Il est effectivement tentant de faire le rapprochement avec le célèbre Perceval, héros du Roman des chevaliers de la table ronde. Nous allons essayer d’analyser quels sont les éléments dont nous disposons pour accréditer ou infirmer cette hypothèse.

Origine du nom

La bibliothèque Nationale conserve une ancienne copie [2] (Manuscrit A) du milieu du XIIIe siècle, en dialecte champenois, de la version du Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Ce manuscrit a souvent servi de base pour les éditions de Chrétien de Troyes (e.g. les Classiques français du Moyen Âge) Nous pouvons remarquer, dans ce texte que le chevalier Perceval est mentionné cinq fois sous la forme Perceval et quarante-sept fois sous la forme Percevax. Une deuxième copie [3] (Manuscrit B) existe à la Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne. Il a été copié dans un atelier bourguignon, dans la première moitié du XIVe siècle. Nous avons extrait un passage de ces deux manuscrits : 

Manuscrit A (4236-4246)

Manuscrit B (4194-4204)

Traduction

Percevax, qui vers lui esgarde,
le voit venir tot eslessié,
si a tot son pansé lessié,
si li revint poignant ancontre.
A ce que li uns l’autre ancontre,
Sagremors sa lance peçoie;
la Perceval ne fraint ne ploie,
ençois l’anpaint de tel vertu
que del cheval l’a abatu.
Et li chevax sanz demoree
s’an va fuiant, teste levee,

Et Percevaus vers lui esgarde,
Sel voit venir tot eslaissié,
Si a tot son panser laissié,
Et il revient vers lui ancontre,
A ce que li uns l’autre ancontre
Sagremors sa lance peçoie,
La Perceval ne fraint ne ploie
Ançois l’enpoint de tel vertu
Q’ami lo champ l’a abatu,
Et li chevaus sanz demoree
S’en vait fuient parmi la pree

Et Perceval regarde vers lui,
Il le voit venir à bride abattue,
Il a laissé tout son penser
Et il se lance à son tour à sa rencontre.
Au moment où ils se rejoignent l’un l’autre,
Sagremor brise sa lance en éclats,
Celle de Perceval ne plie ni ne rompt,
Mais heurte l’autre avec une telle force
Qu’il se retrouve abattu au milieu du champ.
Et le cheval, sans attendre,
Part en fuite, a travers champs,

Il est intéressant de noter la façon dont le mot Perceval y est orthographié : on le trouve sous les formes Perceval, Percevax et Percevaus. Ceci peut être mis en parallèle avec les formes cheval, chevax et chevaus de ce même passage. Nous pouvons donc en déduire que les formes Perceval, Percevax, Percevaus et Percevaux sont équivalentes.

Nous apporterons d’autres éléments dans le 2ème chapitre démontrant l’équivalence des différentes variantes prises par le nom Parcevaux au cours des siècles.

Les Bretons, lors de leur établissement en Armorique, ne portaient, ainsi que dans les plus anciens peuples, qu’un seul nom propre et individuel ; mais comme les hébreux et les Grecs, ils énonçaient à la suite de leurs noms celui de leur père, comme Hervé fils de Josselin, Raoul fils de Judicaël. On voit dans les actes donnés par D. Morice, que cet usage se conserva dans les diocèses de Léon et de Cornouaille jusqu’à la fin du XIe siècle. Dans les autres diocèses, ils commencèrent dès le XIe siècle à prendre des surnoms qu’ils tirèrent soit de leurs terres, soit d’une dignité ecclésiastique ou féodale, soit d’un nom de baptême, soit de quelque sobriquet. Sans plus de précision sur les successeurs de Perceval il est donc difficile d’établir un lien direct entre ce personnage et notre famille. 

Article à suivre sur le château de la Joyeuse Garde…


[1] Albert Le Grand. Les vies des Saints de la Bretagne-Armorique annotées par Daniel-Louis Miorcec de Kerdanet, 1837, p. 183

[3] Berne, Burgerbibliothek, ms. 354. Chrétien de Troyes, Le conte du Graal, Edition du manuscrit de Berne, Lettre gothique, Le livre de Poche